L’odyssée d’Homère passionne chercheurs et lecteurs depuis 2 500 ans. Embarquons à notre tour en Méditerranée à la découverte de ses lieux magiques…Entre réel et imaginaire.
1 – Corse, terres des Lestrygons
Le passage chez ces géants cannibales ne peut que flatter notre orgueil national, même s’il n’est qu’un bref épisode situé au milieu des aventures. Jugez plutôt : »Là, quand on atteignit le fameux port où les falaises élèvent leur rempart d’un côté et de de l’autre, où deux caps allongés, se faisant vis-à-vis, s’avancent vers l’entrée » (chant X, vers 87 à 90). Comment ne pas reconnaître l’étroit goulet de Bonifacio et ses falaises calcaires hautes de 60 mètres à la pointe sud de la Corse ? Aux alentours, les grottes marines, les calanques et les plages ourlées d’eaux turquoise n’ont pu qu’impressionner les navigateurs antiques.
La contreverse existe toutefois avec les Sardes, en face, qui situeraient cette peuplade peu accueillante vers Porto Pozzo ou, un peu plus bas, du côté du capo d’Orso. Mais aucune topographie n’est aussi convaincante que celle de Bonifacio ! Nos amis italiens se consoleront avec d’autres épisodes, notamment celui de la magicienne Circé, auprès de laquelle Ulysse demeura une année, sur le monte Circeo, promontoire de 542 mètres sur la côte entre Rome et Naples.
2 – Italie, entre sirènes et cyclopes
Oubliez la queue de poisson et imaginez plutôt les sirènes avec des ailes et des pattes d’oiseau…même si le texte, plutôt laconique raconte qu’elles « ensorcellent d’un chant clair, assises dans un pré « ( chant XII, vers 44 et 45). Plus que sur leur île localisée dans l’archipel italien des Galli, au sud de la Côte amalfitaine, on les trouves sur maintes représentations.
Créatures plus terribles encore, les cyclopes arrivent plus tôt dans l’épopée. On sait juste qu’« Il est une île assez petite en face de leur port » (chant IX, vers 116). Voilà qui multiplie les possibilités souvent liées à un volcan où l’on situe la grotte du cyclope Polyphème. Le Vésuve avec l’île de Procida dans la baie de Naples tient la corde avec l’Etna et les îlots dits « des Cyclopes » face à Aci Castello. Challenger moins volcanique, le piton sicilien d’Erice possède un atout charme avec les méconnues et préservées îles Égades.
3 – Sicile, de vents en troupeaux
L’archipel des Éoliennes, au nord de la grande île méditerranéenne, peut difficilement cacher sa filiation avec Éole, maître des vents, chez qui débarque le fringant Ulysse :« L’île flottait; alentour s’élevaient un mur de bronze infranchissable et des à-pics de pierre nue » (chant X, vers 3 et 4). Voilà qui oriente vers Stromboli, une île volcan aussi ronde qu’impressionnante avec son cratère actif…surtout lorsque la lumière du soir teinte ses pentes de bronze doré.
Patrie des monstrueux écueils de Charybde et Scylla qu’on place de part et d’autre du détroit de Messine, la Sicile est aussi « l’île du Trident : là paissent les vaches du Soleil et ses gras moutons en grand nombre » (chant XII, vers 127 et 128). Homère ne pouvait qu’évoquer cette terre repérable à ses trois pointes. Les compagnons d’Ulysse furent mal inspirés de s’attaquer à ses troupeaux sacrés.
4 – Djerba et ses Lotophages
L’île tunisienne renvoie davantage à des plages bordées d’hôtels qu’à un passé homérique. Pourtant, son charme et celui des Lotophages, ses habitants, agissaient sur les visiteurs bien avant l’invention de la crème solaire: « ils leur offrirent du lotus pour qu’ils en goûtent. Mes gens, ayant goûté ce fruit doux comme le miel […] ne rêvaient que de rester parmi ce peuple. » (chant IX, vers 93 à 96).
Plus grand monde ne mange du lotus à Djerba. Pour replonger dans l’Antiquité, on ira voir à Guellala les potiers au savoir-faire ancestral façonner jarres et amphores.
5 – Ithaque, la mère patrie, objet de la quête
« C’est une île rocheuse, une nourrice de guerriers, et moi, je ne connais rien d plus beau que cette terre » (chant IX, vers 27 et 28). Avec une telle déclaration, on comprend pourquoi Ulysse résista à dix ans de combats à Troie et à autant d’années d’errance, et parvint à retrouver sa patrie et sa sage épouse, Pénélope.
Le royaume d’Ulysse appartient aujourd’hui aux îles Ioniennes qui bordent la Grèce sur son flanc ouest. Deux des six îles auraient pu former l’Ithaque d’Homère: la vaste Céphalonie aux paysages très variés, et l’actuelle Ithaque, à trois kilomètres de sa grande sœur.
Peu de traces physiques d’Ulysse sur Ithaque, si ce n’est la douceur de vivre, des paysages restés sauvages, d’hypothétiques vestiges de palais vers Stavros et une grotte des Nymphes…Vathi, le joli port et capitale, pourrait aussi être celui de Phorcys où le héros fut déposé au pied d’un olivier.
6 – Corfou, l’île de Nausicaa
Si Élisabeth d’Autriche, dite Sissi, marque cette belle île Ionienne depuis 120 ans, on oublie souvent que, bien avant, c’est la princesse Nausicaa qui fit battre le cœur d’Ulysse : « c’est à la fille du grand Zeus, à la pure Artémis, que ta beauté, ton port et ta grandeur te font pareille! » (chant VI, vers 151 et 152).
L’île de Schérie, où le père de Nausicaa règne sur les Phéaciens, est depuis longtemps assimilée à Corfou. Les îlots de la presqu’île de Kanoni seraient le lieu d’échouage d’Ulysse, voire, pour l’un d’eux, sa barque transformée en rocher par Poséidon. Mais gare aux apparences : loin d’être dédié au dieu marin, le temple est une église orthodoxe bâtie en 1840 au pied de la forteresse de la capitale.
7 – À la recherche de Calypso
Ulysse passa sept ans sur l’île d’Ogygie : « royale nymphe, Calypso, le retenait dans son antre profond, brûlant d’en faire son époux » (chant I, vers 14 et 15). Rien de plus sur les lieux, sinon que l’île est lointaine, pourvue d’une vaste grotte et que de grands arbres y poussent.
Les uns optent pour la situer sur le détroit de Gibraltar et l’îlot du Persil, à 200 mètres de la côte marocaine. Les autres préfèrent l’île de Gozo, au nord de l’archipel maltais, truffée de grottes sous-marines ou terrestres, comme celle dite de « Calypso » vers Ramla Bay… À chacun d’en décider !